Le livre

L’auteur Joseph Kessel

En 1915, à l’âge de 17 ans, Joseph Kessel s’engage dans l’armée française pendant la Première Guerre mondiale. Il est d’abord affecté comme ambulancier au sein du Service de santé des armées, où il est témoin des horreurs du front. En 1916, il intègre l’École de l’air de Chartres pour devenir aviateur. Il sert ensuite comme observateur dans l’escadrille SAL 39, participant à des missions de reconnaissance et de bombardement.
Ces expériences de guerre marquent profondément Kessel et influencent son écriture. Son roman « L’Équipage » (1923) est directement inspiré de son temps passé dans l’aviation militaire. Le livre raconte l’histoire de deux aviateurs français et explore les thèmes de l’amitié, du courage et des sacrifices personnels en temps de guerre.

Après la guerre, Joseph Kessel se lance dans le journalisme et l’écriture. Il écrit pour plusieurs journaux, dont « Le Matin » et « Gringoire », et publie ses premiers romans. Ses œuvres littéraires sont souvent inspirées de ses expériences personnelles et de ses voyages. Parmi ses romans les plus célèbres figurent « L’Équipage » (1923), « Belle de jour » (1928), « Fortune carrée » (1932), « Le Lion » (1958).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Kessel rejoint les Forces françaises libres à Londres en 1940. Il participe activement à la Résistance et publie en 1943 « L’Armée des ombres », un hommage aux résistants français. Ce livre, basé sur des témoignages réels, met en lumière le courage et les sacrifices des membres de la Résistance. Avec son neveu Maurice Druon, il écrit également « Le Chant des partisans », devenu l’hymne de la Résistance.

En 1962, Joseph Kessel est élu à l’Académie française, reconnaissant ainsi sa contribution exceptionnelle à la littérature française. Ses œuvres continuent d’être célébrées pour leur humanité et leur profondeur psychologique.
Joseph Kessel meurt en 1979 à Avernes. Il est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris. Sa vie et son œuvre demeurent un témoignage puissant de l’esprit d’aventure et de résilience, et son héritage littéraire continue d’influencer les générations futures.

Le livre « L’armée des ombres »

« L’Armée des ombres » est un roman de Joseph Kessel, publié à la fin de l’année 1943 à Alger, alors sous le contrôle de la France combattante. Inspiré par de nombreux témoignages de résistants français – vus vous doutez que les noms et les lieux ont été modifiés pour les protéger – ce livre reflète les expériences que Kessel, membre des Forces françaises libres, a recueillies depuis son exil à Londres en 1940.
Le récit, composé d’anecdotes et d’histoires individuelles de résistants, est principalement narré par Philippe Gerbier, un cadre de la Résistance. L’ouvrage explore les défis auxquels sont confrontés les réseaux clandestins (actions contre l’occupant allemand, communications, réception de matériel parachuté, arrestations, etc.), ainsi que le quotidien des Français de l’époque (rationnement, rafles, travail forcé, etc.).
Selon Kessel, « L’Armée des ombres » aurait été commandé par le général de Gaulle, qui lui aurait demandé « d’écrire un livre pour apprendre au monde ce qu’est la résistance française ». Trop âgé pour participer aux opérations militaires de la Résistance, Kessel utilise sa plume pour soutenir la lutte.

Le film « L’armée des ombres »

« L’Armée des ombres » est un film français emblématique de 1969 réalisé par Jean-Pierre Melville. Adapté du roman éponyme de Joseph Kessel, ce chef-d’œuvre cinématographique plonge les spectateurs dans l’univers sombre et intense de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale.

L’intrigue suit Philippe Gerbier (interprété par Lino Ventura), un ingénieur civil devenu chef d’un réseau de résistants. Après son arrestation par la Gestapo, il parvient à s’évader et reprend immédiatement ses activités clandestines. Le film explore les missions périlleuses et les sacrifices douloureux des membres de la Résistance, incluant Mathilde (Simone Signoret), Luc Jardie (Paul Meurisse), et Jean François Jardie (Jean-Pierre Cassel).

Le réalisateur

Après la guerre, il sollicite une carte d’assistant metteur en scène, mais sa demande est refusée.
En 1947, il fonde les studios Jenner en transformant un entrepôt en studio de production. Il s’y installe même de 1953 à 1967. Il produit ses films dans ses studios jusqu’en 1967, lorsque ceux-ci sont détruits par un incendie pendant le tournage de « Le Samouraï ». Obstiné, il continue à travailler dans les ruines des studios, où il monte « L’Armée des ombres ».

Il meurt en 1973, des suites d’une rupture d’anévrisme survenue dans le restaurant de l’hôtel PLM Saint-Jacques à Paris, alors qu’il travaillait à son nouveau film, « Contre-enquête ».

Pourquoi je vous conseille ce film ?

Jean-Pierre Melville, connu pour son style cinématographique austère et réaliste, a été profondément touché par le roman de Kessel. En 1969, il décide de porter « L’Armée des ombres » à l’écran, apportant sa propre sensibilité de cinéaste et son expérience personnelle de la guerre à cette adaptation.

Fidélité à l’œuvre originale

Melville reste fidèle à l’esprit et à la tonalité du livre de Kessel. Il transpose avec précision l’atmosphère sombre et oppressante du roman, ainsi que les dilemmes moraux et les tensions psychologiques des personnages. Les principales figures du roman, comme Philippe Gerbier, Mathilde et Luc Jardie, sont incarnées à l’écran par des acteurs de renom tels que Lino Ventura, Simone Signoret et Paul Meurisse, qui apportent une profondeur et une intensité remarquables à leurs rôles.

Différences, interprétations et le casting

Bien que le film suive de près le récit du livre, Melville introduit des éléments cinématographiques qui enrichissent l’histoire. Par exemple, la mise en scène et la photographie accentuent la solitude et l’angoisse des personnages, créant une expérience visuelle unique qui renforce le message du roman. De plus, Melville utilise le silence et des dialogues minimalistes pour souligner la gravité et la tension des situations, une technique moins présente dans le livre.
Tout cela est interprété par un casting puissant : Lino Ventura : Philippe Gerbier, Simone Signoret : Mathilde, Paul Meurisse : Luc Jardie, Jean-Pierre Cassel : Jean François Jardie, Claude Mann : Claude Ullmann dit Le Masque, Paul Crauchet : Félix Lepercq, Alain Dekok : Le Bison, Christian Barbier : Guillaume Vermersch dit Le Barbier, Serge Reggiani : Le tailleur. Des acteurs et une actrice talentueux qui restent dans la retenue de leurs rôles. De ces hommes et ces femmes traqués qui ont dû prendre des décisions dures.

Impact et héritage

« L’Armée des ombres » de Melville, tout comme le roman de Kessel, est devenu un témoignage incontournable de la Résistance française. Le film a contribué à immortaliser les récits des résistants, tout en offrant une réflexion sur le coût humain de la guerre et de la lutte pour la liberté. Ensemble, le livre et le film forment un duo puissant, chacun enrichissant la compréhension de l’autre et offrant un hommage durable à ceux qui ont combattu dans l’ombre.

En résumé, Jean-Pierre Melville a su capturer l’essence du livre de Joseph Kessel, en transformant son récit poignant en un chef-d’œuvre cinématographique qui continue d’émouvoir et d’inspirer les générations.

Petite anecdote :
Capable de se montrer aussi bien jovial que glacial, Jean-Pierre Melville se disputait souvent avec son entourage. Il s’est fâché avec un très grand nombre de ses collaborateurs. Ainsi, Lino Ventura ne lui adressa plus la parole durant tout le tournage de « L’Armée des ombres », ne communiquant avec lui que par assistant interposé. Melville avait déclaré à la presse que Ventura avait eu de très grandes difficultés à monter dans le wagon au début du film « Le Deuxième Souffle ». En fait, le cinéaste avait caché à son acteur qu’il avait donné l’ordre d’augmenter la vitesse du train.

Différentes affiches étrangères du film de Jean-Pierre Melville « L’armée des ombres ».

Petit bonus afin d’approfondir la partie cinématographique. Téléchargez le livret du cnc sur le film « L’armée des ombres » de Jean-Pierre Melville.