Le film : « La 317è section »
Couvertures du livre et affiche du film de P. Schœndœrffer « La 317è section »
Le cinéma est un moyen adapté de mettre en scène des événements historiques, mais aussi de retranscrire une ambiance, un contexte. La 317e Section de Pierre Schoendoerffer est l’un de ces films emblématiques qui marquèrent le genre du film de guerre. Sorti en 1965, il traite de la guerre d’Indochine, plus particulièrement le sort des garnisons des postes isolés. Alors que de nombreux films de guerre se veulent des spectacles patriotiques, La 317e Section propose une représentation plus objective, assez crue et permet ainsi de retranscrire le cauchemar que purent vivre des combattants évoluant en environnement inconnu et/ou hostile.
La jungle, la boue, les embuscades meurtrières… Rien n’épargne en effet la 317e section qui abandonne son poste pour se replier vers Tao Tsaï. Reliée au monde par le seul intermédiaire de sa radio, l’escouade avance, tout arrêt signifiant la capture ou la mort.
Pourtant, le sous-lieutenant Torrens refuse d’abandonner les blessés, véritables fardeaux, prend le temps de concevoir des sépultures pour les morts. En clair, malgré la situation, ce qu’on pourrait prendre pour de l’inexpérience n’en reste pas moins de l’humanité. Mais l’adjudant Willsdorff veille et n’hésite pas à recadrer l’ensemble de la section. La guerre, il connaît, d’autant qu’il a servi sur le front de l’Est sous uniforme allemand. Destin de Malgré-Nous ou volontaire ? On ne le saura jamais dans le film.
extrait de l’article de Cyril B. sur La revue d’Histoire militaire.
Tournage du film « La 317è section »
Le réalisateur : Pierre Schœndœrffer
Pierre Schœndœffer est un jeune alsacien de 17 ans à la fin de la seconde guerre mondiale. Ses lectures pendant les années terribles de l’occupation ont été un refuge et lui ont donné le goût du grand large.
À 19 ans, il s’embarque comme matelot de pont léger sur un cargo suédois. Mais les rêves que lui ont insufflés Conrad, Kessel et Kipling sont plus forts que tout. Il voudrait être témoin, partager et faire partager l’aventure épique des hommes du XXe siècle.
À 23 ans, il se porte volontaire et s’engage au service cinéma des armées pour partir en Indochine. Cette expérience va le marquer à jamais. Parachuté à Diên Biên Phu, il sera ensuite fait prisonnier par le Vietminh ainsi que toute la garnison.
Libéré par les accords de Genève, il décide de ne rentrer en France qu’après avoir bouclé le tour du monde, avec, cette fois, une accréditation de photographe pour Match, Life, Look et Bunte en poche.
Akira Kurosawa l’invite sur le tournage du Château de l’araignée au Japon. A Hollywood, il est engagé comme consultant sur un film de guerre. Mais surtout à Hong Kong, il fait la connaissance de Joseph Kessel qui lui promet de l’aider à mettre en scène son premier film de fiction. Il l’impose comme metteur en scène pour La Passe du diable, un western antique dans les déserts montagneux d’Afghanistan. Suivront d’autres films, la 317e section, adaptée de son roman du même nom.
Il passera régulièrement du cinéma à la littérature, sans jamais oublier le reportage, recherchant sans cesse des moyens narratifs différents.
Entres autres récompenses, il reçoit, le prix Vauban en 1984 pour l’ensemble de son oeuvre.
En 1988, il est élu à l’Institut de France – Académie des Beaux-Arts. En 1992 avec le film Diên Biên Phu, il clôt sa trilogie indochinoise.
En 2007, invité par le 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP), dont il est soldat de 1re classe d’honneur, il se rend en Afghanistan, un demi-siècle après avoir découvert le pays aux côtés de Joseph Kessel.
Pierre Schœndœrffer meurt le 14 mars 2012 à l’hôpital militaire Percy de Clamart où il avait été transféré quelques jours auparavant à la suite d’une opération chirurgicale. Le 19 mars, jour anniversaire de son parachutage à Diên Biên Phu, ses obsèques sont célébrées en la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris, suivies d’un hommage national dans la cour d’honneur des Invalides.
Source site ministère de la défense.
Pourquoi je vous conseille ce film (livre) ?
Je vais juste reprendre les mots du Sergent Pepper qui les a écrits sur le site Sens critique.
« Qu’est-ce que ça veut dire, dégueulasse ? C’est la guerre. »
Un film de guerre français ?
Un film réaliste de guerre français ? Oui, et un très grand film.
Caméra à l’épaule, dans un noir et blanc somptueux, alternant les plans sur une nature carcérale et les portraits d’hommes en souffrance et en marche, le film nous embarque au cœur d’un quête perdue d’avance puisqu’il s’agit d’un repli. Sans solennité, à hauteur d’homme, nous apprenons à connaître les soldats, leur caractère, leurs différences et l’adversité qui finira par les souder.
C’est avant tout un film sur la violence du milieu : la nature est un bourbier dans lequel les hommes s’enlisent, l’eau y ruisselle de partout, du ciel, du sol, des fronts en sueur. La musique, très rare laisse place à un son constant, pluie, grillons, animaux exotiques, et de temps à autre bombardements ou rafales. Le chemin est une jungle inextricable qui ne cesse de barrer la vue, l’ennemi lointain et invisible. La véritable guerre qu’on nous donne à voir n’est pas celle du haut fait, mais de l’attente et de la marche. De temps à autre, les jumelles tentent de scruter une frondaison, une rive obscure, sans réellement parvenir à anticiper le danger. L’inconfort, la pénibilité, les blessés qui ralentissent la cadence, tout contribue à nous faire vivre une guerre tristement banale dans la souffrance qu’elle engendre.
Car ces hommes sont perdus, et nous ne pouvons rien faire d’autre que le suivre, la caméra refusant de nous donner accès à un autre point de vue. De ce fait, l’utilisation de la radio et des informations est capitale, bande son désenchantée du désastre, souvent en contrepoint avec les images, comme cette scène de l’agonie d’un soldat se soulageant à l’opium tout en écoutant Radio France Asie…
À l’inverse d’un récit épique et spectaculaire, Schœndœrffer nous intègre à une section dont on va partager le périple. Désaccords et visions différentes, entre l’idéaliste Torrens et le baroudeur Willsdorff, aboutissent à des confidences spontanées qui progressivement révèlent des hommes apprenant à s’estimer. Cremer, avec tendresse, égrène les histoires drôles, humanise cette randonnée vers la perte. La véritable quête de ce film semble être celle de l’identité, de l’humanité profonde de ces hommes avant de les faire mourir et d’anéantir la section. Alors, seulement, le spectateur pourra savoir ce qu’est un héros.
À ceci j’ajoute
Affiche du film de P. Schœndœrffer « La section Anderson »
P. Schœndœrffer est retourné dans le sud-est asiatique alors que le nom du pays n’était plus l’Indochine mais le Viêtnam. Il a tourné un documentaire sur une section de l’armée américaine qui avait pris « le relai » de l’armée française. Et là aussi c’est l’humain qui prime… déjà parce que cette section était commandée par un lieutenant noir (ce qui pour l’époque, 1966, était excessivement rare) mais aussi parce que le reporter suit ces jeunes hommes lâchés dans une guerre tant sur le terrain qu’en permission. Ce documentaire fût oscarisé (pour dire sa qualité et alors que la guerre du Viêtnam était toujours en cours et même juste après l’offensive du Têt). Mais l’écrivain/réalisateur ne s’est pas arrêté là car en 1988 il s’est rendu aux États-Unis pour retrouver ces même hommes. Certains étaient tombés au combat et d’autres étaient revenus. Pour certains marqués, atteint par le syndrôme post-traumatique, ils avaient poursuivi le cours de leur vie avec ce bagage.